Qu’on soit dehors ou en HP, le lundi reste la pire journée.
Est-ce que Mme Molosse voudra me voir aujourd’hui pour discuter de ma première permission ?
Il faut que je vois l’assistante sociale pour faire la lettre à envoyer à la Sécu. Il faut aussi que je demande aux infirmières si je peux aller à la sortie à la journée de demain, histoire d’être dehors et de passer le temps en attendant ma deuxième permission ; mercredi de 9h à 18h.
La personne en isolement a fait un sacré boucan cette nuit, mais je n’ai rien entendu. J’ai encore dormi comme un caillou et sans Zopiclone.
Je suis notée pour la sortie de demain.
Mme Molosse n’a pas demandé à me voir donc j’ai demandé si je pouvais la voir jeudi ou vendredi, étant donné que mercredi je suis en permission de 9h à 18h, et demain en sortie toute la journée.
J’en ai marre de l’HP. Je veux sortir. Je tourne en rond même si je fais tout ce que je peux pour m’occuper. Cet endroit incite à dormir pour faire passer le temps plus vite. Je n’en peux plus. Je vais mieux. C’est de ne rien faire qui m’énerve et m’angoisse. Je n’en peux plus d’être ici. Je m’ennuie et m’impatiente. J’en ai assez. Assez ! Je sature de certain-e-s patient-e-s, de l’enfermement, de la bouffe dégueulasse, et d’être séparée de mon copain. Le temps passe si lentement ici, et si vite de dehors.
J’espère que la permission des « 48h » sera décisive et que je sortirai définitivement. J’y crois. Je m’y accroche.
L’atmosphère est lourde, morose, pénible et pesante. Les mecs font les forts mais je vois bien qu’ils sont déprimés. Mélisse, la sportive vegan qui se scarifie, paraît si bien dans sa tête (du moins mieux que depuis ce repas où elle a fui dans sa chambre), mais moi je sais que c’est faux. Quand tu te mets à paniquer à la vue de la nourriture et de gens qui mangent, c’est qu’il y a un problème. Lorsqu’un repas de 30 minutes est pour toi beaucoup trop long, que tu jettes le peu de nourriture servie pour enchaîner immédiatement après avec une activité sportive (le ping-pong en l’occurrence puisqu’il n’y a que ça), c’est encore plus alarmant.
Quand quelque chose vire à l’obsession pour éviter de penser à ce qui se passe dans ta tête, quand voir les autres te fait du mal alors que toi aussi tu vas mal mais que tu ne veux pas le reconnaître, ce n’est pas bon, pas bon du tout. Je le sais car je l’ai expérimenté.
Tu ne peux prendre pleinement soin des autres si toi-même tu vas mal. Il faut avant tout se concentrer sur soi, sur ses blessures, et le soigner, après tu verras pour les autres, surtout celleux qui ne sont pas tes proches, et/ou celleux qui ne peuvent te soutenir. Cela semble égoïste, ça l’est d’une certaine façon. C’est de l’égoïsme intelligent.
Appel de papa pour me demander comment ça allait et surtout pour me dire que mes grands-parents étaient au courant concernant ce que j’avais fait à mon frère. Ils ont su se montrer compréhensifs, solides et intelligents. Pour eux, cela ne remet pas question l’affection qu’ils me portent.
Voilà, des purins de larmes de joie, de bonheur, de soulagement, qui me sortent des yeux. Tous les protagonistes savent à présent. Il n’y a plus de non-dit, plus de secret. C’est fini. Nous sommes libérés, délivrés. Coucou La Reine des Neiges.
Rdv avec l’assistante sociale : fait.
Demain sortie à la journée et dès que je rentre j’appelle ma mère. Le lendemain permission de 9h à 18h. J’irai checker l’état de mon compte bancaire puis je passerai à Pôle Emploi pour m’assurer que tout est ok. Après je profite de ma journée.
Jeudi je vois Mme Molosse ou je vais au jardin. Vendredi je vois Mme Molosse ou je vais à la piscine et après, le grand test des « 48h » que je vais réussir haut la main. Et quand je sortirai, ne pas oublier de passer au bureau des admissions pour prendre mon bulletin d’hospitalisation « sortie » à envoyer à la Sécu et à Pôle Emploi.
J’ai envie de dormir à défaut de pouvoir sortir.
J’ai dormi jusqu’à 18h30, soit presque l’heure du repas du soir.
L’atmosphère est toujours aussi lourde et malsaine. Je veux partir d’ici plus que jamais. Je fais abstraction du mal-être et des mauvaises ondes qui planent dans cet endroit, des embrouilles entre certain-es patient-es. Cela devient usant.
Ce soi-disant lieu qui protège de l’extérieur. J’ai l’impression qu’il entraîne à voir et entendre le pire, ainsi qu’à le supporter, qu’il apprend à percevoir la souffrance sous différentes formes pour mieux s’en distancer, pour ne plus être atteint par elles ou l’être moins.
Heureusement demain et après demain je sera loin de tout ça et j’espère que la semaine prochaine, ce séjour en HP prendra fin. Oh oui, je l’espère fort, fort, fort.