Pastorale

 

Le printemps a fait son entrée. D’abord avec les crocus jaunes et violets puis avec les fleurs de cerisiers.
Le soleil est plus présent mais il fait encore frais. « En avril ne te découvre pas d’un fil… »
Dans les sapins des pies ont fait leurs nid. Un gros cordeau semble ne pas apprécier cette proximité et vient souvent les déranger.

Le printemps a fait son entrée et apporté avec lui un parfum de neuf et d’ancien.

Retourner sur les ruines de son passé pour pouvoir continuer à avancer.
Se faire violence pour ne plus jalouser et envier autrui.
Ne plus avoir besoin de dénigrer les gens pour se rassurer et sentir moins mal.
Regarder en arrière uniquement pour constater le chemin parcouru.
Ne pas s’accrocher au temps et à l’argent (perçus comme perdus).
Observer la nature et s’en inspirer.
Se souvenir des mots de Françoise Sagan : « Il est plus urgent de vivre que de compter. »
Dépasser les peurs, les traumatismes, le regard des autres et la pression sociétale.
Entourer son existence de poésie.
Faire la paix avec ses fantômes et ses démons.
Faire la paix avec soi-même.
Tâches ardues mais nécessaires pour un futur plus doux.

Blue coffee

tumblr_pdk8fy9KTc1v3tafbo4_1280L’été est passé. Les feuilles commencent à tomber.

La psychothérapie familiale a pris fin me laissant désabusée, mais au moins j’ai fait tout ce que je pouvais, j’ai dit ce que j’avais à dire. Depuis je ne vois presque plus mon père et c’est tant mieux.

J’ai aussi arrêté la psychothérapie que j’avais entamé en octobre 2015, quand ma vie a volé en éclats pour mieux se reconstruire. J’ai arrêté parce que je ne ressentais plus le besoin, la nécessité et surtout parce que ça coûter cher surtout quand on n’a pas de boulot et qu’on est au RSA comme moi. C’est d’ailleurs ce qui me préoccupe le plus en ce moment. Le fait d’être sans emploi depuis plus d’un an et de ne pas réussir à trouver du travail est une source d’angoisse quasi permanente.

Parfois l’envie de tout abandonner me submerge et les idées suicidaires reviennent. Puis j’entends miauler. Alors je me souviens qu’il y a 6 mois j’ai voulu un petit chat, que j’ai attendu 3 mois avant de l’avoir, que maintenant j’en suis responsable et que je n’ai pas le droit de me foutre en l’air. Non je n’ai pas le droit de le laisser seul alors que je l’ai tant désiré et que maintenant il est là à me demander plein d’amour et à m’en donner en retour. Je sèche mes larmes, passe de l’eau sur mon visage, respire et repars. Mon petit chat cavale, fait une pirouette et j’éclate de rire.

Même s’ils se sont estompés, les souvenirs de mon séjour en hp sont encore vivaces. Le temps a beau passer, un rien peut m’y renvoyer. Il suffit d’une porte fermée, d’un repas, de certains aliments (omelette, choux-fleurs…), d’une douche, d’un lit à faire, d’un vêtement, d’un mot pour que les sensations me reviennent… Intactes et terribles. Non l’hp ce n’est pas pareil que la prison. Non ce n’est pas pire. Pourtant l’une de tes plus grandes peurs quand tu sors c’est de croiser dehors des gens qui étaient en hp avec toi ; soignant-e-s comme patient-e-s. T’as peur car eux ils t’ont vu dans les pires états, car eux ils savent… Comme quand t’as été en prison et que t’en sors.

On ne sort jamais indemne de l’hp. Quoiqu’il arrive, passer des semaines, des mois voire des années enfermé-e ça marque à vie. L’être humain n’est pas fait pour vivre entre 4 murs.

Dans les moments d’abattement comme maintenant, me souvenir de ma descente en enfer et de mon séjour en hp m’aident à me relever. Je me rappelle que j’ai fait et vécu le plus dur. Je me remémore mon mal être constant, cet état indescriptible qui ne peut malheureusement qu’être vécu pour être compris. Mais à présent c’est fini. Ce que je croyais impossible à réaliser est fait.

J’ai survécu à la dépression, à l’angoisse, à l’hôpital psy. Ce n’est pas la recherche d’un travail qui m’aura.

 

L’escargote

Je fume un joint toute seule. J’écoute et chante Tomboy I d’Indochine en hochant la tête en rythme.
Ce soir je vais à la réunion de la MJC avec la mère de Naton. C’est qui m’a proposé de venir. C’est pour un projet à propos de la science participative. Ils ont besoin de « cobayes » pour tester des applis ; rechercher des escargots, des plantes, des oiseaux, des insectes pollinisateurs.
Je ne sais pas trop où je vais mais j’y vais. Comme cette histoire de chargée de com’ en arrêt maladie longue durée (dépression et burn-out, décidément…), à la MJC. Donc ils auraient besoin de quelqu’un capable de faire la même chose en attendant le retour de la « personne officielle ». C’est encore une info, proposition, suggestion de la mère de Naton. J’ai dit « Why not on verra ». Je ne sais où je vais mais j’y vais.
J’ai tapé une partie de mon journal de bord en HP sur Libre Office. Purin c’est dur. Y a tout qui remonte. Et puis cette détresse… Ouais, ça fait mal.
J’appréhende de plus en plus les histoires de la MJC. Je n’ai jamais fait ça. J’espère que ça va se passer comme pour la Fête de l’Huma.

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Katanas de samouraïs au Victoria & Albert Museum, Londres, mai 2013. 

Bon hier ça s’est pas trop mal passé mais je n’étais pas très à l’aise, surtout quand la mère de Naton a demandé au chef de la MJC s’il avait du travail pour moi.
« Bulli sort d’une période difficile et pour qu’elle ne reste pas inactive, qu’elle ait une vie sociale, j’ai pensé que… »
Alors c’est très gentil et je sais bien que ce n’était pas l’idée mais là j’ai la sensation d’être un cas désespéré à refourguer. Ensuite qu’est-ce qu’elle en sait que je sors d’une période difficile ?! Elle a connu l’inceste, l’envoi en HP d’urgence, l’HP pendant un mois, les TCA, l’anxiété ?! NON. Donc on se tait.
Je sors doucement, lentement, mais je ne suis pas sortie. Non, je suis loin d’en être sortie de toute cette merde. Si j’étais un escargot je dirais que je commence tout juste à sortir mes antennes.
Et puis il y a ce projet de science auquel je participe. Il va falloir que je parle devant un public de je ne sais combien de personnes. Ce que je n’ai pas fait depuis longtemps. Et ça bien sûr, ça me fait un peu beaucoup peur. Mais peut-être que d’ici là j’aurais un peu plus confiance en moi. Sûrement que cet exercice va m’aider, à aller de l’avant, à aller mieux, à avoir un peu plus foi en ma personne… Et là je me surprends à penser, comment auraient-ils réagi si j’étais arrivée avec une canne, des béquilles, en fauteuil roulant…

« Et tu habites où ?
– Euh… Au même endroit qu’eux… »
Moi en désignant Bist, le frère de Naton et sa mère.
Je fais pitié. Je crains. J’aurais pu dire à Peros ou prononcer au moins le nom de mon « beau-frère » et de ma « belle-mère ». Mais bon c’est sorti comme ça. J’ai pensé après que ça craignait. Après, peut-être que tout le monde s’en fout, et que c’est juste mon manque de confiance en moi et mon cerveau qui déraille. Je verrais tout ça avec la psychologue dans 2h.

Mood : entre le bien et mouais. Comment dire ça à Daylio, l’appli pour noter mes humeurs et activités. Aujourd’hui réveillée et levée un peu avant 10h00. Prise de médocs puis petit-déj’, recherches d’emploi, checking des réseaux sociaux… Comme d’habitude.

08.08.2017

Il fait moche dehors comme dans ma tête. Je n’en peux plus de l’HP. Mme Molosse voudra-t-elle me voir cet après-midi ? Aurais-je enfin la réponse que j’attends ? Est-ce que ce séjour en HP prendra définitivement fin ? Est-ce que je pourrais partir demain ?

L’ambiance est toujours un peu plus lourde et anxiogène. Je vais essayer de me détendre en attendant le coup de fil de mon copain et le possible entretien avec Mme Molosse.

 

Je l’ai vu. Je sors. Purin. Je sors.

 

J’ai eu mon père au téléphone et lui ai annoncé la grande nouvelle. J’ai eu mon copain aussi. Il était moins « enthousiaste » que mon père. Enfin ce n’est pas le bon mot. Il garde la tête froide pour ne pas déchanter, c’est sa manière de se protéger. Mon père me soutient différemment et a un lien particulier avec moi.

 

Ça me fait bizarre de me dire que c’est ma dernière nuit en HP. Je suis un peu gênée et triste pour celleux qui restent ici, surtout pour Phil car il est là depuis quatre mois, et qu’il a tous les atouts pour sortir, en plus il est en hospitalisation libre.

L’infirmier asiatique m’avait dit de ne pas donner mes coordonnées aux autres patient-e-s, mais je les ai donné à Phil car il m’a beaucoup aidé au début et pendant ce séjour. Maintenant je sais sentir les gens, s’ils sont bons ou mauvais (pour moi), s’ils me permettent d’aller vers le haut ou s’ils me tirent vers le bas.

Le personnel soignant espère ne plus me revoir ici. Je nous le promet, à lui et à moi, de ne plus jamais rechuter. Espérer. Je détestais tant ce mot avant le 07.07.2017, et maintenant je n’ai plus rien contre lui, car je l’ai beaucoup utilisé, je l’ai apprivoisé comme mes angoisses.

07.08.2017

Réveillée naturellement à 7h (car oui maintenant j’ai une montre), alors que je me suis couchée à 22h30 hier.

Mon copain me manque. Ma maison me manque. C’est dur de se réveiller à l’HP après s’être réveillée la veille chez soi alors que ça faisait près d’un mois que ce n’était pas arrivé. J’ai tellement envie de sortir définitivement.

Alors, est-ce que je saurais aujourd’hui si je pars définitivement ou pas ? Est-ce que Mme Molosse et tout le personnel soignant me diront : « C’est bon, votre séjour ici est terminé. » ? J’espère, je le veux, j’en ai tellement envie. Je le sens bien mais comme depuis mon arrivée ici, je tente de ne pas trop espérer pour ne pas être déçue. Pour ne pas chuter encore plus. Le doute et l’incertitude, c’est ce qu’il y a de pire.

Les transmissions vont bientôt commencer.

 

Mme Molosse n’a pas eu le temps de me voir ce matin, je suis donc allée voir les infirmières pour leur expliquer la situation ; que Mme Molosse et moi avions parlé d’une sortie définitive pour mercredi, que c’était bon pour mon copain et mes « beaux-parents », et que je pensais voir Mme Molosse pour qu’elle confirme ma sortie définitive, comme ça je pourrais partir en sortie à la journée demain.

L’infirmière m’a dit que Mme Molosse n’était pas revenue sur l’idée d’une sortie définitive me concernant, lors des transmissions ce matin, et qu’il était sûrement plus important de voir Mme Molosse demain pour une sortie définitive plutôt que je parte en sortie. C’est « drôle » car il y a trois semaines on m’avait dit le contraire ; preuve que ma situation a évolué.

 

J’ai eu mon père et mon copain au téléphone. Mon père m’a rassuré, mon copain aussi même si ce dernier reste plus prudent que mon père quant à ma sortie définitive. Comme moi il n’a pas envie de faire face à une désillusion trop grande.

Je pense que si l’idée était que je ne sorte pas Mme Molosse me l’aurait dit tout de suite. Et puis les infirmières ne m’auraient pas reparlé de sortie définitive ce matin. La secrétaire qui ne sourit jamais ne m’aurait pas adressé un large sourire si ce n’était pas « bon » pour moi. Donc je vais attendre encore, du mieux que je peux, le plus calmement possible, et garder le sourire.

 

J’ai une voisine de lit, chambre (?), après un mois d’hospitalisation passé seule dans une chambre il va falloir cohabiter. Mais bon, si demain Mme Molosse m’annonce que je sors définitivement, ça va passer crème, et puis ma colocataire qui répond au doux nom de Gladys est calme et tranquille, rien à voir avec moi lors de mon arrivée. Pourtant elle a les mêmes symptômes que moi, le goût de la scarification en plus. C’est sa 2e hospitalisation ici.

Je suis bien plus solide que quand j’ai débarquée. On va s’organiser c’est tout et puis je sors bientôt normalement. Allé, on croise les doigts, on touche du bois, on prie Dieu, Allah, Bouddha. On y croit. Y a pas de raison que ça se passe mal.

06.08.2017

Oui c’était bien, très bien, cette permission de « 48h », même si j’ai pleuré. Cela n’avait rien à voir avec les dernières semaines passées avant l’hosto. Les larmes n’étaient pas les mêmes.

C’est là-bas chez moi, hors de l’hp, et je veux y retourner définitivement. Je veux retourner à la piscine de moi-même et pas comme patiente hospitalisée en psychiatrie.

 

« Vous avez fait quoi durant cette perm ‘ ? 

– J’ai regardé pour une thérapie familiale comme l’avait conseillé Mme Molosse et une des infirmières, bien mangé (frites-poulet, pizza, petites tartines de pain grillé avec beurre salé), bu du café, du vrai. J’ai vu les nouvelles. Je me suis dit que nous vivons dans un monde pourri mais que la vie et la nature étaient belles. J’ai hésité à écrire un article sur mon blog mais j’ai préféré profiter du jardin et de la terrasse. Je me suis dit qu’il faudrait vraiment prévoir cette journée à Disneyland avec mon copain et je me suis rappelé qu’il y avait le concert de Gorillaz en Novembre. »

 

J’ai de plus en plus de mal à revenir ici, dans cet endroit à la fois aseptisé et crade, où les gens gueulent leur souffrance et leur désespoir quand ils ne s’engueulent pas pour rien.

Chez moi je me suis couchée à 23h ; alors qu’ici je m’écroule au plus tard vers 21h30, parce que je suis fatiguée et mal à l’aise. Je me suis réveillée à 7h30, j’ai fait l’amour, pris mes médocs et un bon petit déjeuner.

J’ai voulu faire des démarches administratives notamment pour l’ALD mais je me suis rappelée qu’il était midi, dimanche midi, alors j’ai pris mon valium et grignoté des noix de cajou tout en aidant mon copain et sa mère à faire des makis. Ces derniers ont été mangé en famille, à cinq ; mon copain, son petit frère, leurs parents et moi.

 

Ce qui m’a fait pleurer c’est cette peur de ne pas sortir. Cette peur d’être déçue. Or je ne dois l’être si jamais le corps médical décide de me garder plus longtemps. Il faut tenir bon. S’accrocher encore et encore malgré les doutes, les espoirs et les craintes. Mon copain et la maison me manquent déjà alors que je ne les ai quitté qu’il y a quelques heures. J’espère et veux les retrouver bientôt.

Est-ce que j’attendrai la boisson chaude ce soir ? La tisane. Hier je n’en ai pas pris finalement. J’ai préféré un petit café, un ristretto.

Trouver cet équilibre entre ne pas se faire de faux espoirs et voir les côtés positifs. Pas facile. Surtout quand il s’agit de savoir si on va sortir définitivement d’un endroit fermé, ou pas.

Hier j’ai dormi avec mon amoureux et c’était merveilleux. Là je me retrouve seule dans « ma » chambre d’HP, dans un de ces lits où je dors depuis bientôt un mois ; demain soir à 21h30, ça fera un mois.

 

03.08.2017

Couchée plus tard que d’habitude, je me réveille plus tôt de manière naturelle. Sans pleurer et avoir la boule au ventre.

J’ai fumé une clope et croisé une infirmière qui m’a demandé si je me sentais prête à sortir. J’ai répondu oui et elle m’a rétorqué que je n’avais pas l’air convaincue. Alors j’ai expliqué que je ne voulais pas me faire de faux espoirs par rapport à ce que pourrait dire Mme Molosse mais j’ai répété que je me sentais prête à sortir.

Je me sens bien. J’ai envie de partir définitivement. Je me sens prête à reprendre une vie « normale » tout en douceur. J’ai juste peur qu’on me dise : « Vous devez encore rester ici pour une durée indéterminée. » Alors je souris, j’écris, je fais comme si de rien n’était. Et j’espère sortir bientôt. J’espère que les « 48h » de permission seront décisives.

 

Je pensais aller à l’activité « jardin » quand l’infirmière vue ce matin m’a dit qu’à la place je verrais Mme Molosse. En attendant j’ai lu et quand j’ai regardé l’heure la pendule affichait déjà 11h50, soit presque l’heure du repas de midi.

Je suis allée voir une infirmière pour lui expliquer la situation. Comme quoi je n’avais pas pu aller jardiner parce que je devais voir Mme Molosse et que je ne l’avais pas vu. L’infirmière m’a expliqué que les entretiens de ce matin avaient duré plus longtemps que prévu et que Mme Molosse était la seule psychiatre présente cette semaine (ce que je savais déjà). Elle m’a aussi dit que si elle (Mme Molosse), ne m’avait pas vu en urgence c’est qu’il n’y avait pas de problème, que je n’avais pas à m’inquiéter.

Le personnel soignant me fait confiance donc je ne vois pas pourquoi je ne lui ferais pas confiance également. Qui plus est, la réflexion faîte par cette infirmière était la même que je m’étais faîte une fois où Mme Molosse n’avait pas pu me recevoir.

Le principal c’est que samedi à 9h je quitte cet endroit pour y revenir le lendemain à 18h. Après on verra, mais je me sens tellement mieux qu’aux mois de juin, de juillet et depuis mon arrivée en HP. J’arrive à me protéger du stress et de l’angoisse.

 

J’ai vu Mme Molosse. Elle m’a demandé de réfléchir à une date pour une sortie. « Une sortie ? Un jour de permission ? » Ai-je demandé. « Non, pour une sortie définitive. Nous n’allons pas vous garder plus qu’il faut si tout se passe bien pendant ce weekend. » Et là, la joie au fond de moi. J’essaye de garder mon calme, de ne pas trop m’emballer. D’ailleurs c’est ce que je leur dis, à Mme Molosse, à l’infirmière et à l’assistante sociale autour de moi. « Je tente de garder un certain équilibre entre espoir et crainte, pour éviter d’être trop déçue et de replonger encore plus profondément. »

Je leur ai expliqué l’histoire avec le centre des Buttes-Chaumont, et toutes ont écarquillé les yeux, trouvé ça hallucinant, révoltant et bizarre. Elles m’ont expliqué que, du moment qu’il n’y a pas de procédure judiciaire d’enclenchée, une thérapie de famille est possible. Pas besoin de passer par la Justice avant, même dans mon cas.

Elles n’ont pas su me dire où il était possible de faire une thérapie familiale dans le coin. Elles vont se renseigner pour moi. Et moi je vais me renseigner ce weekend. Et encore avant ça, je leur ai raconté le dimanche après-midi avec mes parents, la question de ma mère quant à si elle pouvait raconter THE BIG problème à mes grands-parents. Mme Molosse a validé la réaction que j’ai eu ; demander l’avis de mon frère et le suivre. Elle a dit que maintenant tout était propre et qu’il était inutile de ressasser le passé sans professionnels à mes côtés. C’est exactement ce que je pensais. Je suis heureuse.

« Et vos 48h à la maison vous les sentez comment du coup ? » m’a demandé Mme Molosse, la psychiatre que tous les autres patients détestent. « Bien, très bien, j’y crois, je veux que ça se passe bien. » Ai-je répondu.

 

Non, il n’y aura pas de crises d’angoisse ni de larmes versées. Non, je ne m’énerverai pas. J’ai trop appris en presque un mois pour rechuter. Pour ce qui est du cannabis je vais grandement diminuer. En revanche, l’alcool j’en ai plus du tout envie. Peut-être que je boirai un petit verre de temps en temps, mais je ne veux plus d’après-midi et de soirées où je passe mon temps à boire je ne sais combien de verres. Pareil pour les repas. Un petit verre de bon vin pour accompagner de la bonne bouffe. Un verre de champagne lors des grandes occasions, pas plus. Et quand je serais tentée de dépasser le quota, de faire une entorse à mes règles, je me souviendrais de ce séjour en HP. Je relirai ce journal.

Véra, la jolie jeune femme noire déjà hospitalisée une fois ici, maman d’une petite fille, trouve ma présence apaisante. Elle aimerait rester avec moi pour ne pas être toute seule, pour s’occuper. Cela ne me gêne pas mais je ne sais pas trop quoi lui dire. Elle comprend et ne veux pas me déranger, m’accaparer. Je lui ai expliqué que je n’étais pas psychologue, ni psychiatre, encore moins infirmière. Elle comprend très bien. Je suis désolée pour elle mais je ne culpabilise pas car je sais que je n’ai pas la force, les capacités et connaissances pour aider et soigner les autres, encore moins celleux en HP dont je fais partie.

 

Le parcours, le corps et l’esprit de chaque patient-e sont différents. Notre seul point commun est d’être en ce lieu : l’HP. Pour ma part j’ai cette « chance » d’avoir l’écriture et ce je ne sais quoi que m’a peut-être transmis mon père ; je ne parle pas, reste discrète mais les gens viennent à moi. Et puis j’ai un énorme soutien : mon copain.

J’ai la relation sentimentale que j’ai toujours souhaité. La personne dont j’ai toujours rêvé. Ensuite il y a mes parents qui se révèlent être forts, intelligents, aimants et qui ont su me le prouver quand j’en ai eu le plus besoin. Enfin il y a moi et ma volonté d’aller mieux, de me relever et d’avancer. Il y a mon intelligence et mon instinct (de survie).

Chacun-e doit trouver ses armes, les forger, les entretenir, parfois les reforger, comme cela a été le cas avec mes parents. C’est long et difficile mais nécessaire et vital.

31.07.2017

Qu’on soit dehors ou en HP, le lundi reste la pire journée.

Est-ce que Mme Molosse voudra me voir aujourd’hui pour discuter de ma première permission ?

Il faut que je vois l’assistante sociale pour faire la lettre à envoyer à la Sécu. Il faut aussi que je demande aux infirmières si je peux aller à la sortie à la journée de demain, histoire d’être dehors et de passer le temps en attendant ma deuxième permission ; mercredi de 9h à 18h.

La personne en isolement a fait un sacré boucan cette nuit, mais je n’ai rien entendu. J’ai encore dormi comme un caillou et sans Zopiclone.

 

Je suis notée pour la sortie de demain.

Mme Molosse n’a pas demandé à me voir donc j’ai demandé si je pouvais la voir jeudi ou vendredi, étant donné que mercredi je suis en permission de 9h à 18h, et demain en sortie toute la journée.

J’en ai marre de l’HP. Je veux sortir. Je tourne en rond même si je fais tout ce que je peux pour m’occuper. Cet endroit incite à dormir pour faire passer le temps plus vite. Je n’en peux plus. Je vais mieux. C’est de ne rien faire qui m’énerve et m’angoisse. Je n’en peux plus d’être ici. Je m’ennuie et m’impatiente. J’en ai assez. Assez ! Je sature de certain-e-s patient-e-s, de l’enfermement, de la bouffe dégueulasse, et d’être séparée de mon copain. Le temps passe si lentement ici, et si vite de dehors.

J’espère que la permission des « 48h » sera décisive et que je sortirai définitivement. J’y crois. Je m’y accroche.

 

L’atmosphère est lourde, morose, pénible et pesante. Les mecs font les forts mais je vois bien qu’ils sont déprimés. Mélisse, la sportive vegan qui se scarifie, paraît si bien dans sa tête (du moins mieux que depuis ce repas où elle a fui dans sa chambre), mais moi je sais que c’est faux. Quand tu te mets à paniquer à la vue de la nourriture et de gens qui mangent, c’est qu’il y a un problème. Lorsqu’un repas de 30 minutes est pour toi beaucoup trop long, que tu jettes le peu de nourriture servie pour enchaîner immédiatement après avec une activité sportive (le ping-pong en l’occurrence puisqu’il n’y a que ça), c’est encore plus alarmant.

Quand quelque chose vire à l’obsession pour éviter de penser à ce qui se passe dans ta tête, quand voir les autres te fait du mal alors que toi aussi tu vas mal mais que tu ne veux pas le reconnaître, ce n’est pas bon, pas bon du tout. Je le sais car je l’ai expérimenté.

Tu ne peux prendre pleinement soin des autres si toi-même tu vas mal. Il faut avant tout se concentrer sur soi, sur ses blessures, et le soigner, après tu verras pour les autres, surtout celleux qui ne sont pas tes proches, et/ou celleux qui ne peuvent te soutenir. Cela semble égoïste, ça l’est d’une certaine façon. C’est de l’égoïsme intelligent.

 

Appel de papa pour me demander comment ça allait et surtout pour me dire que mes grands-parents étaient au courant concernant ce que j’avais fait à mon frère. Ils ont su se montrer compréhensifs, solides et intelligents. Pour eux, cela ne remet pas question l’affection qu’ils me portent.

Voilà, des purins de larmes de joie, de bonheur, de soulagement, qui me sortent des yeux. Tous les protagonistes savent à présent. Il n’y a plus de non-dit, plus de secret. C’est fini. Nous sommes libérés, délivrés. Coucou La Reine des Neiges.

 

Rdv avec l’assistante sociale : fait.

Demain sortie à la journée et dès que je rentre j’appelle ma mère. Le lendemain permission de 9h à 18h. J’irai checker l’état de mon compte bancaire puis je passerai à Pôle Emploi pour m’assurer que tout est ok. Après je profite de ma journée.

Jeudi je vois Mme Molosse ou je vais au jardin. Vendredi je vois Mme Molosse ou je vais à la piscine et après, le grand test des « 48h » que je vais réussir haut la main. Et quand je sortirai, ne pas oublier de passer au bureau des admissions pour prendre mon bulletin d’hospitalisation « sortie » à envoyer à la Sécu et à Pôle Emploi.

J’ai envie de dormir à défaut de pouvoir sortir.

 

J’ai dormi jusqu’à 18h30, soit presque l’heure du repas du soir.

L’atmosphère est toujours aussi lourde et malsaine. Je veux partir d’ici plus que jamais. Je fais abstraction du mal-être et des mauvaises ondes qui planent dans cet endroit, des embrouilles entre certain-es patient-es. Cela devient usant.

Ce soi-disant lieu qui protège de l’extérieur. J’ai l’impression qu’il entraîne à voir et entendre le pire, ainsi qu’à le supporter, qu’il apprend à percevoir la souffrance sous différentes formes pour mieux s’en distancer, pour ne plus être atteint par elles ou l’être moins.

Heureusement demain et après demain je sera loin de tout ça et j’espère que la semaine prochaine, ce séjour en HP prendra fin. Oh oui, je l’espère fort, fort, fort.

28.07.2017

Il y a un air joyeux et serein qui flotte en ce matin. Pas seulement dans ma tête mais aussi dans celle de plusieurs patient-e-s. Et pas que chez celleux qui sortent définitivement aujourd’hui.

 

Mon cerveau continue la purge d’angoisses. Cette nuit, le rêve était (encore) lié à mon dernier taf, à mon premier jour de travail, au poste de je-ne-sais-quoi, mais en lien avec des images. Pas de trace de mon ancien boss ni de… Merde comment s’appelle celle qui a été ma « cheffe » pendant 6 mois. Mon cerveau a dû l’effacer. Preuve que cette femme m’a réellement traumatisé.

Dans mon rêve, mon nouveau chef me soupçonnait d’être une droguée incompétente qui l’aurait berné lors de l’entretien d’embauche. J’étais dans un open-space avec très peu de place, à côté d’une jolie jeune brune qui maîtrisait ce qu’elle faisait. Et moi je sentais la pression, et que je serais jetée dès la fin de la journée voire avant midi mais je n’étais pas affolée ni paniquée, du moins je ne laissais rien transparaître. J’acceptais la situation en me sentant déjà saoulée par l’endroit, les gens et l’atmosphère qu’ils créaient.

 

Demain à la même heure je quitterai l’HP pour la première fois le temps de quelques heures. Après 21 jours d’hospitalisation. Je quitterai l’HP, non pas pour un atelier ou une sortie en groupe, mais pour retrouver mon copain, sa famille, les chats et la maison. Vivement demain. Et vivement la semaine prochaine, surtout le weekend, la permission des « 48h » : le grand test. Encore un peu de patience.

 

Purin de merde c’était sûrement le pire repas que j’ai pris ici. Non pas parce que la bouffe était mauvaise mais à cause du stress.

D’abord il y a celle qui grince des dents, dont tu te demandes si elle ne le fait pas exprès ou si elle le fait juste pour te faire chier. Je penche pour la deuxième option puisque quand tu te bouches les oreilles elle se tourne vers toi, te fixe et grince des dents encore plus fort.

Ensuite, parce que le jeune héroïnomane qui était parti, et dont au début je n’avais rien contre, est revenu pour son injection de subutex. Et il harcèle tous les fumeurs et toutes les fumeuses, moi y compris, pour avoir une clope.

Mes nerfs sont à vifs. Je vais me faire une petite séance de relaxation puis j’irai voir l’assistante sociale et j’appellerai mon copain. J’espère que l’autre stresseur de service va vite déguerpir.

 

Il a vite déguerpi.

Il est 20h30 et je suis au lit, non pas pour fuir les autres ou parce que je suis trop fatiguée, juste par envie. Parce que ça me fait du bien de me retrouver seule avec moi-même et de prendre soin de ma petite personne ; me laver le visage, me crémer les cheveux, me masser le corps.

Je ne sais pas ce qu’ont les autres patients contre Mme Molosse, pourquoi ils la détestent autant ? Sûrement parce qu’elle leur a dit ce qu’ils ne veulent pas entendre. Sûrement parce qu’ils ne veulent pas, n’arrivent pas à prendre conscience qu’ils sont malades, en souffrance.

J’ai lu pas mal d’histoires glauques à propos des psychiatres, du personnel soignant et des hôpitaux psychiatriques. Mme Molosse et ce service ne s’en rapprochent pas. Bien sûr l’isolement et la zombification (auxquels j’ai échappé), sont là et bien cruels comme il faut, mais s’il y avait plus de moyens et de personnel, ces « méthodes » ne seraient peut-être plus utilisées.

Quant à moi je ne suis pas mieux ni pire que les autres, pas plus faible, ni plus forte. Je suis moi, avec mes traumas, mon passé, mon corps, mon vécu. Ma chance c’est d’être intelligente, comme mes parents et mon copain, et de les avoir comme soutiens.

Ma culpabilité et mes angoisses ont grandement baissés. Je n’ai pas encore atteint la ligne d’arrivée mais je m’en rapproche doucement et sûrement. Pour une fois la petite voix au fond de moi est d’accord, alors j’ose avoir confiance et croire que cette étape prendra bientôt fin.

27.07.2017

(…) est-ce que ça veut dire que c’est comme ça qu’il faut mener sa vie ? Toujours en équilibre entre la beauté et la mort, le mouvement et sa disparition ?

C’est peut-être ça être vivant : traquer des instants qui meurent. »

L’Élégance du hérisson, Muriel Barbéry

 

Ce livre est assurément celui qui m’a le plus aidé pendant cette hospitalisation et ma vie (pour l’instant). Comme mon hospitalisation, je ne l’ai pas encore terminé (le livre (ma vie aussi d’ailleurs)), mais j’approche de la fin et je prends le temps pour le faire, je ne vais pas trop vite.

Une nouvelle patiente est arrivée hier soir. Au début j’ai cru que c’était une infirmière ou une aide soignante. Puis j’ai vu son visage apeuré, paniqué, effrayé, angoissé. Le visage que j’avais il y a 20 jours. Celui qu’ont toutes les personnes hospitalisées pour la 1ère fois en HP.

Au repas, elle a essayé d’avaler quelques haricots verts mais n’a pas réussi et s’est vite enfuie dans sa chambre.

Bien sûr, elle m’a rappelé quelqu’un : moi. Sauf que contrairement à elle, je n’avais pas pu/su/réussi à bouger. J’étais restée devant mon assiette. Pétrifiée. Incapable de me lever. Paralysée, laissant les larmes couler sur mon visage. Et ce sont les patient-e-s (dont j’avais peur), puis les infirmières et aides soignant-e-s qui sont venu-e-s à moi, à mon secours.

 

Le personnel soignant comme les patient-e-s sont tous et toutes d’accord. La permission de « 48h » est le grand test. Celui qui détermine si tu sors définitivement ou pas.

J’ai appelé mon père pour lui annoncer les bonnes nouvelles. Mes parents viendront donc dimanche après-midi.

J’ai fini L’Élégance du hérisson, Ce livre est pour moi vraiment puissant et m’a beaucoup aidé ces dernières semaines. Il m’a confirmé que la mort, le suicide, ne sont jamais des solutions quand il y a encore des personnes près de vous qui vous aime, que la vie a beau avoir l’air d’être un océan de désespoir, il y a toujours des instants magiques.
Il y a des moments scintillants, des morceaux pailletés, et malgré l’horreur il faut s’accrocher. Il faut s’en remettre aux fleurs, aux étoiles, aux nuages, et à la lumière, même si nous n’avons pas l’occasion de les voir (souvent). Il faut croire en l’art, en la littérature qui est selon moi l’art suprême, et surtout en la nature, même humaine.
Je ne sais pas si je vais réussir à trouver un roman si beau et aidant, rassurant, apaisant, mais je suis très heureuse de l’avoir lu. Peut-être encore plus dans ce contexte : Un séjour en HP.

 

Il n’est pas 21h et je suis déjà et je suis déjà fourrée dans ma chambre.

L’ambiance était morose ce soir. Pas dans ma tête mais dans celles des autres patient-e-s, dans celle de Fina surtout. Alors que la plupart d’entre nous souhaitent quitter ce lieu, elle, cette idée l’attriste, car dehors elle se retrouvera seule. Elle n’aura plus personne avec qui manger, jouer, rire.

Auparavant, peut-être que j’aurais tout fait pour lui remonter le moral. Quand je dis « auparavant », c’est il y a des années. M’enfin qu’est-ce que j’en sais ? Je n’ai jamais connu pareille expérience.

Je laisse le travail aux professionnels. Je me concentre et m’occupe de moi. Je crois que ce sera ainsi à présent. Je n’écouterai plus, n’essayerai plus de soigner celleux qui vont mal, bien qu’écrire c’est un peu soigner. Je ne tenterai plus de sauver les gens et le monde. Je vais me protéger, faire abstraction, profiter, aimer, partager, me battre non plus pour détruire mais pour construire.

 

Je pense faire mes affaires demain soir. En réalité que je n’ai que des habits sales à ramener. Tout est chez es parents de mon copain. Demain après-midi il faudra que je l’appelle pour lui dire qu’il doit venir me chercher à 11h. C’est bête que ma perm’ suivante tombe le dernier jour où il travaille, mais c’est comme ça.

Le weekend prochain ce sera le grand test et si tout se passe bien (mais il n’y a pas de raison que ça se passe mal), dans deux semaines je quitterai définitivement l’HP.

 

Demain : Envoyer bulletin de santé à la Sécu et à Pole Emploi

=> voir l’assistante sociale

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